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15 mars 2016 2 15 /03 /mars /2016 04:17
Quatre hommes et un cactu.

Quatre hommes et un cactu.

A lire en écoutant : Passer ma route, Maxime Le Forestier

C'est malade à quelle vitesse la routine balaie tout. T'es encore dans l'élan de ton voyage mais à peine arrivé tu la sens derrière, elle te fauche en plein sprint d'une cuillère vicieuse et tu te retrouves la face en plein dedans. Bus 55, boulot, IPA, dodo. Café - bagel, attache ta tuque et ça recommence. C'est bizarre. Tu fais le voyage des millions de fois dans ta tête pendant des mois avant le départ, et une fois rentré, tu te demandes si t'as pas tout rêvé, justement. Est-ce qu'on a vraiment descendu des bouteilles de vin en se gavant du coucher de soleil de Santa-Monica ? C'était réel cette éclipse de lune pendant qu'on traversait le Yellowstone ? Possible de parcourir l'Arizona avec un clou bien installé dans notre pneu arrière ? Cette combinaison orage - double arc-en-ciel en plein Monument Valley, hallucination collective, non ? Et merde, Laurent, t'as conduit le camion sur le Golden Gate pour de vrai ?

Le gars qui est trop content d'être devant la Porte dorée de l'Amérique. Et ouais !

Le gars qui est trop content d'être devant la Porte dorée de l'Amérique. Et ouais !

C'est quand même bon d'être à Montréal, chez moi. Il y a certes moins d'aventures dans mon quotidien, mais aussi pas mal d'avantages :

- je me douche tous les jours

- je ne suis plus la cible de basses attaques sur le blog de Laurent

- le risque de perdre tous mes vêtements en une seule fois est considérablement réduit

- je ne change plus d'adresse tous les jours, c'est à votre tour de m'envoyer des cartes postales

- je tiens debout dans mon logement

- je suis plus à l'aise avec mon bilan carbone

I'm a poor lonesome cowboy blablabla...

I'm a poor lonesome cowboy blablabla...

J'avais débuté ce blog un soir de novembre 2011, mon PC calé sur les genoux, avachi dans un canapé chez mes parents à Saint-Jean-de-Touslas. Avec en tête d'aller vider une bière à L.A. J'ai failli mourir sur un volcan néo-zélandais et une autoroute pennsylvanienne, je suis passé pas loin de rester bloquer en France, j'ai fait un petit détour par Rodez et le Cap Nord, mais des années plus tard, pianotant installé sur ma chaise Ikea et le bureau qui va avec, je peux écrire que c'est fait depuis Montréal. Ce blog n'a plus de raison d'être, il va tranquillement finir sa vie comme une vulgaire page Skyrock, petit à petit abandonné de tous.

Il restera quelques jeux de mots foireux, des fautes d'orthographe distillées depuis quatre continents et beaucoup de plaisir grâce à vos quelques retours. Et une grosse envie d'aller enfin admirer une aurore boréale avant que Valéry nous quitte définitivement.

Mais ils disent en patois que c’est asteure qu’il faut le faire,
Qu’on ne sera pas jeune deux fois,
Pis qu’la vie d’adulte, ça frappe dans tes airs, ton horaire,
pis qu’ça glisse entre les doigts.

La toune du soundman, Les Hay Babies

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3 décembre 2015 4 03 /12 /décembre /2015 04:26

A lire en écoutant : La terre est ronde, Orelsan

Deux types sympas, un camion super cool et un drapeau de Flagstaff, Arizona.

Deux types sympas, un camion super cool et un drapeau de Flagstaff, Arizona.

A lire en écoutant : La terre est ronde, Orelsan

Il fallait bien une dernière tuile. Elle a fini sur notre pare-brise. Heureusement, ce n'était pas vraiment une tuile. Un simple caillou. Après pas loin de 35000 bornes aux USA, on a fêté notre premier éclat à 20 kilomètres de la douane. On a souri. Déjà parce qu'un caillou sur le pare-brise, ça fait moins mal qu'un talus. Puis il y avait du soleil et je rentrais à la maison.

C'est fini, vous pouvez recommencer à nous aimer, nous voilà rentrés. On sait très bien que vous êtes nombreux à avoir marmonné, par un sombre lundi matin au travail, des trucs du genre : "P....., mais ils sont encore en vacances ces deux idiots !" Tous les matins désormais, je vois la même chose que vous : des rames de métro remplies de gens tellement tristes qu'on les croirait forcés d'aller assister à un show d'Anne Roumanoff.

Pour ne pas sombrer avec eux dans la neurasthénie, je me replonge dans ce dernier mois de voyage, achevé sur les rotules. Lessivés par un mauvais cocktail composé de kilomètres de route, de nuits écourtées, de criquets en rut, de cuites trop rapprochées et de quelques fast-food dégoulinants, c'est dans le corps d'hommes de 104 ans que nous avons terminé le travail. En mode triple cernes et zéro vitamine.

Flore qui montre un truc qui n'est pas du tout au bon endroit, à Washington d'ici.

Flore qui montre un truc qui n'est pas du tout au bon endroit, à Washington d'ici.

La recette pour tenir malgré tout : chanter dès qu'on le pouvait "Lola" d'Allan Théo ("Oublie tout ne rêve pas..." et hop tu l'as dans la tête toute la journée !) et recevoir une guest un peu givrée pendant une semaine entre la Géorgie, la Floride et Washington. Pink Flore, personnage récurrent de ce blog, dont les punchlines mériteraient un Goncourt. Exemple : "J'ai trouvé un mec sur le Bon Coin." Ou encore : "La banane, c'est le seul aliment qui a le même goût quand tu le manges ou quand tu le vomis." Du bonbon, comme disent les Québécois.

Quelques jours après son départ, c'est en duo que nous sommes entrés dans New-York. En gamins de 104 ans. Laurent, le camtar et moi à Manhattan. On n'aurait pas eu des yeux plus grands et des rires plus sincères sur la lune. Ce foutu camion avait roulé sur les derniers kilomètres de la Route 66 à Santa Monica, dans les reliefs du Yellowstone, sur le Golden Gate à San Francisco, au milieu d'un arbre dans le Sequoïa National Park, dans le désert de Mojave et à Louisville, Kentucky. Et d'un coup, voilà l'Empire State Building qui se reflète sur ses carreaux. On a klaxonné de plaisir au milieu du bordel ambiant des rues à cinq voies. Le lendemain, taquinés par les feuilles en déroute, on s'est offert notre premier footing depuis des mois (je vous rappelle que nous sommes des marathoniens), en plein Central Park. Comme des mômes, encore, avant d'être fauchés par tout ce qui se passait à Paris.

Un gars en jaune dans le métro de la Grosse Pomme qui dort jamais.

Un gars en jaune dans le métro de la Grosse Pomme qui dort jamais.

On a finalement quitté ce New-York bleu-blanc-rouge via le pont de Brooklyn pour aller s'offrir un cinquième et dernier match NBA à Boston. 7 dollars la place, encore moins cher que le spectacle burlesque des Girondins de Bordeaux. Puis c'était l'heure de la dernière nuit dans le camion, dans le Vermont. Un t-shirt dédicacé au premier qui trouve où on l'a passée. Indice : ça commence par un W.

Je reviens a Montréal
Le corps tatoué de visages
Des anges dandys au dense plumage
Ont mis en lumière mon passage.

Montréal, Ariane Moffatt

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10 novembre 2015 2 10 /11 /novembre /2015 16:54

A lire en écoutant : Wonderful world, beautiful people, Jimmy Cliff

On est tellement des stars aux US qu'ils ont fait une bière à l'effigie de notre camion (cela n'a rien à voir avec la suite mais fallait que je place cette photo !).

On est tellement des stars aux US qu'ils ont fait une bière à l'effigie de notre camion (cela n'a rien à voir avec la suite mais fallait que je place cette photo !).

C'était dans une foire du Sud de la France. Une fête foraine qui sentait le churros et la bière renversée. Impossible de me souvenir de la date et de la ville. Je peux juste me rappeler cet étrange stand proposant d'aller taper la discute avec la femme sans tête pour quelque chose comme cinq francs. Bon, elle était pas bavarde, mais elle était là, avec ces tiges en fer jaillissant de son cou comme explose une fontaine. J'étais minot et je l'ai observée avec les yeux en boules de billard.

C'est ce que j'ai retrouvé dans le regard de ce jeune Américain. Une petite dizaine d'années, taches de rousseur et appareil dentaire en première ligne : "Vous venez VRAIMENT de France ?" C'était le soir d'Halloween, à Cullman, Alabama (ça commence comme un mauvais film d'horreur mais rassurez-vous, il n'y aura aucune effusion de sang). On venait de prendre une chambre dans un motel de bord d'autoroute, et un besoin de monnaie pour lancer une machine (afin de laver mes trois caleçons, mes deux paires de chaussettes et mon unique pull) nous a précipités au sein d'une station service Marathon, où le gallon d'essence partait à 1,91 dollar.

Une petite princesse nous a tendu une poignée de bonbons, acceptée avec un mot gentil ou deux. Quelques secondes plus tard, les sept ou huit personnes qui tuaient le temps derrière le comptoir ce soir-là nous fusillaient de questions. Ils avaient compris qu'on était des Français : "Vous pouvez parler français entre vous ?", "C'est quoi les différences avec les USA ?", "Vous avez des McDonald's en France ?", "On peut prendre une photo avec vous ?", "Tout le monde est aussi beau dans ta famille ?" (bon OK, la dernière est bidon, j'avoue)... On a fini par quitter les lieux avant qu'ils nous demandent une mèche de cheveux ou une crotte de nez en souvenir de cette soirée inoubliable.

Depuis le temps que j'attendais de balancer cette photo de mon voyage en Afrique (oui, je suis un escroc, mais j'ai pas de photo de l'Alabama).

Depuis le temps que j'attendais de balancer cette photo de mon voyage en Afrique (oui, je suis un escroc, mais j'ai pas de photo de l'Alabama).

Lors d'un voyage au Burkina Faso quand j'étais ado, j'avais déjà eu cette sensation de débarquer d'une autre planète. Mais c'était au milieu d'un des pays les plus pauvres du monde, en pleine brousse, et les gamins, qui nous couraient après en hurlant "Nassara, nassara !" n'avaient jamais vu un Blanc de leur vie. C'était beaucoup plus étrange de voir ces Américains, de 5 à 65 ans, nous dévisager comme des animaux de foire. Je pense qu'ils en parlent encore. Surtout qu'ils n'ont même pas eu à payer 5 francs.

Laurent, comme à la maison, chez notre famille de substitution à Kansas City.

Laurent, comme à la maison, chez notre famille de substitution à Kansas City.

Toutes ces rencontres, parfois improbables, parfois lumineuses, souvent trop brèves, valent bien un sac perdu et un passeport dans la nature. Quelques heures après une nuit de stress due à ce drame tout relatif, j'avais déjà retrouvé la pêche grâce à notre famille adoptive de Kansas City. Ce couple rencontré il y a des semaines dans le Washington nous a accueillis comme des rois avant de m'offrir quelques nouvelles affaires au moment du départ. La ville de Kansas City est aussi excitante qu'une émission de Michel Drucker, pourtant nous ne sommes pas prêt d'oublier notre passage. Puis il y a eu Adrien (from Bordeaux) et Sarah (from Montréal), qui ont fait de notre deuxième séjour à Chicago un succès, en plus de nous permettre de bosser notre français à quelques jours du retour. Bref, tout ça pour dire qu'on aime les gens. Particulièrement les Américains. Je voudrais juste ajouter, si jamais un type de l'Alabama se perd un jour sur ce blog : oui, on a des McDonald's en France.

Les bateaux de luxe, les villas trop grandes, tout s'accroît, la richesse augmente, mais au milieu de cette opulence les hommes diminuent, on ne les distingue presque plus, ils se noient dans leur possession. On a l'impression que toute cette nouvelle richesse est investie dans une tentative de nous éloigner de ce qui nous entoure. On s'élève au-dessus des autres, on s'isole de la nature, on se barricade contre l'inconnu et le dissemblable, on triomphe du voyage, on s'achète une absence de désagréments et de problèmes ; tout ce qui pourrait nous faire vivre quelque chose d'imprévu.

Marcher (ou l'art de mener une vie déréglée et poétique), Tomas Espedal

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29 octobre 2015 4 29 /10 /octobre /2015 20:33

A lire en écoutant : What's going on, Marvin Gaye

Il y a des jours où tu apprécies de conduire une automatique. Quand tu quittes la Nouvelle-Orléans, par exemple. Après quatre jours dans ce berceau du jazz, tu peux plus t'empêcher de taper du pied. C'est ce que j'ai fait dans les 200 km suivant notre départ. Le pied droit conduisait, le gauche battait la mesure comme s'il était encore sur Frenchmen Street (ou encore sous l'effet de l'alcool, peut-être).

Sauras-tu reconnaître la démarche chaloupée de mon compagnon dans l'effervescence de Nola ?

Sauras-tu reconnaître la démarche chaloupée de mon compagnon dans l'effervescence de Nola ?

Est-ce qu'on s'amuse autant qu'on peut l'entendre à la Nouvelle-Orléans ? Mille fois oui. C'était dingue, mais on l'avait bien mérité. Avant d'arriver en Louisiane, il a fallu se farcir des villes sans intérêt comme Houston et Dallas, conduire sur une ligne droite interminable au Texas et en Oklahoma (avec un petit goût de Nullarbor, en moins mythique), sans parler de cette fameuse nuit dans un motel à Flatonia où l'on a finalement dormi... dans le camion, juste devant la chambre, trop effrayés à l'idée d'avaler une famille cafard pendant notre sommeil (quand j'y pense aujourd'hui je me dis que c'est idiot, on a avalé tellement pire niveau bouffe dans ce pays). Seul intérêt de cette région, hormis les sympathiques villes d'Austin et San Antonio, le prix de l'essence. Dans le coin, elle est encore moins cher que... ben que rien en fait. Comme on passe à la pompe aussi souvent qu'on va aux toilettes, pour nous, c'est important.

Passage dans la ville où a grandi le génial Woody Guthrie, à Okemah, en Oklahoma.

Passage dans la ville où a grandi le génial Woody Guthrie, à Okemah, en Oklahoma.

Vous avez certainement passé le dernier paragraphe à vous dire : « Mais on s'en fout du Texas et du prix de l'essence, il va nous raconter les folles nuits de la Nouvelle-Orléans oui ou merde ! » Hé bien merde. Je vais vous parler un peu de la météo. Non, je déconne. En revanche, je pense qu'il est essentiel de vous donner quelques nouvelles du troisième membre de l'équipe (même si la concurrence a déjà balancé l'info - quel talent ce Laurent, même en vacances il continue de mettre des râteaux). Notre camion. On en prend tellement soin que la première chose qu'on a faite en arrivant à Nola n'a pas été de se lancer dans Bourbon Street à la recherche de bières et de musique. Tannés de se sentir comme François Gabart en plein Vendée Globe, nous avons visité un garagiste afin qu'il remplace nos amortisseurs aussi efficaces que les profs d'anglais dans les collèges français.

Les Spice Girls, au calme, à La Nouvelle-Orleans. Quand je vous dis que cette ville est dingue...

Les Spice Girls, au calme, à La Nouvelle-Orleans. Quand je vous dis que cette ville est dingue...

Finalement, j'ai vraiment envie de vous parler météo. Il fait très chaud à la Nouvelle-Orléans. Pas grave, on peut souvent faire trompette (voilà, elle est placée, je me sens mieux !). Maintenant je vais vous en dire plus sur les soirées dans la Big Easy : wow ! C'est indescriptible. Je peux juste souligner que je n'avais jamais autant dansé, pas même au mariage de ma sœur (en même temps, j'étais pas invité). La musique est tellement présente qu'elle s'immisce partout, jusque dans votre bagnole. Rappelez-vous, notre nouveau passager : le criquet. Bon, je pense que cette fois on a eu sa peau. Ou alors il a tout simplement pas supporté le climat de Chicago, lui qui vient de Louisiane. Au final, c'était pas si pire, il coûtait pas trop cher en bouffe. Il ingurgitait beaucoup moins de Nutella que Laurent. Puis il prenait pas trop de place non plus, il avait autant de bagages que moi !

PS : Je voulais juste souligner que personne n'était invité au mariage de ma soeur, donc je ne lui en veux pas hein (mais bon si je me marie je la mettrai à la table des vieux pour me venger !)

PS 2 : Je voudrais dire à la maman de Laurent de ne pas s'inquiéter, cette histoire de Nutella, c'est juste une blague. Laurent est la personne avec l'alimentation la plus équilibrée que je connaisse. C'est simplement qu'il a pas compris "équilibrée" dans le bon sens : pain-beurre matin, midi et soir. Pas chiant le type.

I'm a man on fire
Walking through your street
With one guitar and two dancing feet
Only one desire that's left in me
I want the whole damn world to come dance with me
Over murder and pain come and set you free
Over heartache and shame,
I wanna see your bodies burning like old big sun.

Man on fire, Edward Sharpe & The Magnetic Zeros

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25 octobre 2015 7 25 /10 /octobre /2015 19:57

A lire en écoutant : T'as rien à lire, t'as pas besoin de chanson !

On laissera nos clés, nos cartes et nos codes
Prisons pour nous retenir...

Jean-Jacques Goldman, On ira

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11 octobre 2015 7 11 /10 /octobre /2015 05:58

A lire en écoutant : S.O.B., Nathaniel Rateliff and the night sweats

C'est comme au cinéma. Tu t'assoies et tu vois le monde s'agiter sous tes yeux. Les personnages défilent, les dialogues se nouent, les histoires s'entrecroisent... La différence, c'est qu'en lieu et place du popcorn se trouve un rouleau de papier hygiénique. Et tu as le froc sur les chevilles. Aux États-Unis, pour une obscure raison, il y a autant de jour dans l'encadrement des portes de toilettes que dans le sourire de Béatrice Dalle.

La première fois, tu râles. La deuxième, tu marmonnes. La troisième, tu soupires. Je te passe la suite. Après quatre mois dans le pays, c'est la routine. On a tellement bien enclenché le mode vagabond que les commodités des Walmart sont comme notre propre salle de bain. Mon dernier partenaire dans cette aventure me confiait récemment être désormais capable de jouer à des quiz sur son téléphone pendant qu'il prépare un numéro 2. A la maison, je vous dis.

La maison, avec les toilettes en arrière-plan.

La maison, avec les toilettes en arrière-plan.

A un détail près. Un détail pouvant virer à l'obsession lorsque vous lui courrez après depuis plusieurs jours (par respect pour notre dignité, je ne serai pas plus précis sur le nombre). Une putain de douche ! Quand on n'est pas occupé à essayer de sauver nos fesses au milieu de féroces grizzlies, l'idée de la prochaine douche n'est jamais bien loin dans notre esprit. Souvent, c'est dans une auberge ou un camping qu'on peut enfin décoller nos cheveux de notre crâne. Depuis peu, on a appris à saisir d'autres opportunités.

Rappelez-vous, il y a quelques semaines, je vous parlais de cette Américaine un peu toquée qui avait tenté de nous mettre les flics au cul. Je vous disais aussi que la plupart de ses compatriotes étaient formidablement accueillants. Je le répète. C'est dingue comme tout le monde prend à cœur le fait de nous aider un peu dans notre voyage. Notre (deuxième) passage à Boulder, ville du Colorado adossée aux Rocheuses, à un coup de bagnole de Denver, en est la plus chouette des illustrations. On ne devait y rester qu'une soirée, on en a fait trois. A Boulder, on arpente une rue piétonne comme il est impossible d'en voir ailleurs aux USA, on sirote un "latte" dans une librairie-café géniale, on est progressiste et un peu écolo, on s'arrache le micro dans les soirées karaoké du mercredi soir (oui, aux États-Unis, le karaoké n'est pas ringard, et juste pour ça, merci l'Amérique !).

Boulder, une ville à la pointe des combats de demain.

Boulder, une ville à la pointe des combats de demain.

Bref, à Boulder, on se sent bien. Un soir, tu dégustes une pizza, le lendemain tu débarques chez le couple qui était installé à côté de toi dans le resto pour squatter la salle de bain, sur leur invitation. On n'a jamais été aussi propre que dans le Colorado tellement les gens se battaient pour nous recevoir. On en a particulièrement profité à Boulder mais la recette est la même partout. Dans le parc de Mont-Rainier, il y a quelques semaines, un couple d'une cinquantaine d'années nous a lâché ses coordonnées après trois minutes de conversation, au cas où on passerait à Kansas City. Bien sûr qu'on va venir !

Allez, je vous laisse, ce soir c'est fête, on s'est payé un motel dans le Texas. J'irai bien profiter de la douche, mais d'abord j'ai bataille avec les cafards mutants version sauterelle qui partagent la chambre avec nous. J'en ai tué trois le temps d'écrire cet article, et il y en a huit déjà morts sous le lit. Tout bien réfléchi, pas sûr que j'ose sauter dans cette douche.

Coucou, tu veux voir ma bête ? (maintenant tu comprends ce titre scandaleux)

Coucou, tu veux voir ma bête ? (maintenant tu comprends ce titre scandaleux)

Ne perds pas ton temps à juger les gens 
Ne perds pas ton jus à condamner l'inconnu 
Tourne avec la roue et sors dans la rue 
Regarde autour tous ces atomes crochus 
Chaque petit cerveau a son propre château 
Chaque petit wazo a son propre chapeau 
Mets celui qui te fait et tous les autres si ca te plaît 
Y a tellement de trésors dans nos regards imparfaits.

Ariane Moffatt, Fracture du crâne

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1 octobre 2015 4 01 /10 /octobre /2015 02:12

A lire en écoutant : We already exist, Gold Lake

Quand tu serres la main du portier d'un bar que tu ne connaissais pas il y a trois jours, il est temps de partir. Surtout quand il te reste des dizaines de milliers de kilomètres à parcourir avant de rentrer à la maison, fin novembre. Après un week-end à Seattle (ou plutôt un week-end accoudés au comptoir du Diller Room, en centre-ville), il était temps de mettre le cap à l'Est, pour la première fois du voyage. Avec un petit pincement au moment de voir le Pacifique s'éloigner dans le rétro.

J'aurais bien versé une larme, mais j'étais trop excité par la semaine qui s'annonçait. Au menu, les 20000 km du camion, le centième jour de voyage de Laurent, mon trente-troisième anniversaire et une ribambelle de parcs nationaux. Missoula, aussi, cette ville mythique de la littérature américaine, qu'il était hors de question de rater. La première soirée dans Glacier National Park, au bord du lac McDonald, m'a fait bondir de joie avec autant d'exubérance qu'à 8 ans avant une émission spéciale du Club Dorothée. Prometteur.

Ceci n'est pas une image fournie par Windows mais bien une photo de notre première nuit à Glacier.

Ceci n'est pas une image fournie par Windows mais bien une photo de notre première nuit à Glacier.

Il a fallu descendre de mon petit nuage dès le lendemain matin. Quelques heures après avoir brillamment atteint les 20 000 km, notre roulotte a décidé de gâcher la fête. Coincé sur le parking du parc, j'ai vu ma deuxième dépanneuse du voyage s'approcher. Rien de bien effrayant quand on a déjà défié les lois de la gravité sur une autoroute de Pennsylvanie. Pas question de se laisser abattre par un simple problème mécanique, même s'il nous a obligés à célébrer mon anniversaire entre un garage et une laverie, à Kalispell, dans le Montana (comme je suis sympa avec les petits jeunes qui essaient de se lancer dans le métier, je te glisse un lien où tu pourras en apprendre plus sur ces événements).

Toujours prêt à se confronter à un grizzly, Laurent aime partir devant en randonnée.

Toujours prêt à se confronter à un grizzly, Laurent aime partir devant en randonnée.

Du rouge, du jaune, du bleu turquoise, du vert, du orange, du mauve, du gris, du marron... La gay pride ? Non. La tapisserie de ma chambre d'enfant des années 80 ? Toujours pas (enfin si, mais bon, c'est pas le sujet). Juste une balade dans Glacier à la fin du mois de septembre. Au bout de 100 mètres, t'as oublié que t'avais perdu deux jours et passé le budget de trois soirées dans un démarreur neuf. Tiens, puis comme c'est pas assez pour un trente-troisième anniversaire, ajoute un grizzly là-dessus. Ouais, on a pu observer tranquillement un griz, à distance respectable, en train de faire ses réserves pour l'hiver. Magique (je t'épargne la photo, où il est aussi visible qu'une trace d'intelligence chez Nadine Morano). Le plus beau moment de la semaine, je pensais. Mais ça, c'était avant le brame.

Heureusement que j'ai pensé à saisir l'essence de l'Amérique à Missoula, sinon il ne me resterait pas beaucoup d'images de la ville.

Heureusement que j'ai pensé à saisir l'essence de l'Amérique à Missoula, sinon il ne me resterait pas beaucoup d'images de la ville.

Avec deux jours de retard sur notre plan initial, nous avons finalement atterri à Missoula (prononcez Mizoula) samedi dernier. Avec un anniversaire à fêter, une bonne raison pour voir si on avait le niveau pour prendre une cuite avec les fermiers du coin et autres supporters de l'équipe universitaire de football américain. La réponse : non. Malgré notre entraînement intensif de la semaine précédente à Seattle, on a eu du mal à passer la case resto. La suite restera dans la légende, comme aucun de nous deux n'est capable de retracer le scénario. On a fini, chacun de notre côté et à des heures différentes, par retrouver la trace de notre motel. On se rappellera longtemps de cette nuit dont on ne se souvient de rien. Le moment le plus fou de la semaine, je croyais. Mais ça, c'était avant le brame.

Sans les 134 575 touristes alentour, on se serait cru dans "Into the wild".

Sans les 134 575 touristes alentour, on se serait cru dans "Into the wild".

Des tas de gens l'avaient sans doute pointé depuis des lunes sur leur calendrier. Nous, on l'avait vaguement appris trois jours avant, mais nos problèmes mécaniques passaient en premier. Dimanche, une éclipse de lune a régalé la planète. Nous, on avait juste en tête d'aller passer la nuit dans le Yellowstone (trois mois après notre première visite) avant de prendre la route de Grand Teton le lendemain. On pénétrait tout juste dans le parc quand la lune, gonflée comme un ballon de volley, a émergé de la cime des arbres. On ne devait pas traîner pour s'assurer une place dans un camping, mais nous avons pris le temps de nous arrêter sur le bord de la route pour savourer l'instant (un peu de romantisme au milieu de toutes ces cuites, ça ne fait pas de mal). Durant ces quatre ou cinq minutes, par un incroyable hasard, aucune voiture n'est passée. Puis un bruit étrange est monté de la forêt. Après quelques vocalises, ça ressemblait à la fête d'anniversaire d'un enfant de cinq ans. Un gars nous a appris quelques heures plus tard qu'il s'agissait certainement du brame d'un cerf.

Bon, j'en sais absolument rien, et quelle importance ? Ce que je sais, c'est qu'un animal sauvage s'amusait avec mes oreilles pendant que la lune s'occupait de mes yeux. Tout cela en plein Yellowstone. A notre arrivée au camping, la lune nous souhaitait bonne nuit en mode orange sanguine. J'ai rêvé des tonnes de fois de croiser un grizzly, de pénétrer dans une librairie de Missoula avant de me pinter avec les locaux, d'arroser mon anniversaire dans le Montana. Jamais de vivre une soirée pareille.

En ce moment précis, alors que je regarde les cumulus, le ciel bleu, les branches des aulnes encore nues mais déjà chargées d'oiseux qui gazouillent, pépient, chantent et s'accouplent, et comme un vent tiède se déverse sur le marais qui dégèle, je suis à un fil d'araignée de l'euphorie complète. Alors que j'avance en âge, il faut me pardonner si j'essaie de l'empêcher de se rompre et de me lâcher comme un ballon qui s'envolerait vers cette euphorie. A la place, je m'efforce de demeurer dans des zones plus basses mais plus équilibrées, tant j'ai appris à craindre les inévitables et nécessaires retombées qui suivent les envols euphoriques, suivant la loi naturelle des pertes et profits.

Rick Bass, Le journal des cinq saisons

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26 septembre 2015 6 26 /09 /septembre /2015 06:53

A lire en écoutant : Il changeait la vie, Jean-Jacques Goldman

Il fait partie de cette minorité de gens qui méritent un hommage de leur vivant. Le front haut et le verbe aiguisé, il fait depuis des années partie de mes modèles, entre Bruce Springsteen, Tom Robbins, Delaney Rudd et le schtroumpf farceur. Quel choc de découvrir, il y a peu, son texte dédié à ma modeste personne. Comment rester insensible à tant de reconnaissance ? En essayant de lui renvoyer l'ascenseur (dans la gueule).

Ce Monsieur cent mille bornes, comme j'aime appeler ce bourlingueur infatigable (sauf quand il est au volant), c'est simplement mon dernier compagnon dans ce voyage, après les départs de Kévin et Marc : Laurent. Son nom, déjà, pose le bonhomme. Il signifie "couronné de lauriers" (lui aurait préféré quelque chose de plus capillaire comme couronne). Avec une étymologie pareille, certain aurait pris le chemin de l'arrogance, emmenant partout leur air supérieur. Pas mon Laurent. Mon Laurent, c'est un souffle de modestie sur nos vies, une bouffée d'humilité dans nos coeurs.

Dévoué à ses amis mais aussi à la Terre, Laurent aime faire ses emplettes à l'Amap de Venice Beach.

Dévoué à ses amis mais aussi à la Terre, Laurent aime faire ses emplettes à l'Amap de Venice Beach.

Passons sur le jour où il a foncé, la bave au lèvre, sur la voiture située devant nous dans une interminable file. Dans son envie irrépressible de faire de ce voyage une réussite, il a voulu nous détourner de notre ennui en mettant un peu de sel dans notre journée. Oui, passons sur cet épisode. Je le connais, il préfère qu'on mette la lumière sur les aspects moins "tapageur" de sa personnalité. Son altruisme, par exemple.

Chaque jour, durant cette épopée, il a démontré son désir de simplifier la vie de ses amis autour de lui. Dès son premier jour de voyage, certainement soucieux de notre santé auditive, il a enfoncé l'allume-cigare jusque dans le radiateur du véhicule. Nous quittions alors Montréal avec notre deuxième camion, pimpant, et l'allume-cigare devait nous permettre de brancher un système de son.

Je n'oublierai jamais ces quelques parties de pêche en sa compagnie. Inquiet de nous voir attraper aucun poisson malgré moult tentatives, il a envoyé deux cannes au cimetière afin de nous éviter d'autres échecs traumatisants. C'est par une belle nuit d'été californienne qu'il a "simplifié", selon son propre mot, le système transformant notre banquette arrière en lit douillet. Je ne peux imaginer à quel point cela a dû être déchirant pour lui d'arracher cette pauvre pièce en plastique.

Même en plein désert, Monsieur cent mille bornes a toujours une idée de jeu pour les copains : "Et si on éclatait les fenêtres, on aurait moins chaud !"

Même en plein désert, Monsieur cent mille bornes a toujours une idée de jeu pour les copains : "Et si on éclatait les fenêtres, on aurait moins chaud !"

Dernièrement, c'est la portière arrière qui a vu son fonctionnement passer du statut de "pas très compliqué" à "carrément plus facile". On ne peut plus l'ouvrir, suite à une intervention du "simplificateur", autre surnom qui lui colle à la peau. Admettez qu'il est difficile de faire plus simple. Fini l'accès direct à la nourriture, les recharges de gaz et autres éléments de la vie quotidienne comme les bouteilles d'eau ou les chaussures. Dorénavant, c'est au prix d'exercices de yoga pas piqués des hannetons que nous parvenons à nous sustenter. En une seule intervention de quelques secondes, ce génie est parvenu à incorporer un peu de sport dans notre emploi du temps. Chapeau, l'artiste.

Merci Laurent, pour tout ce que tu fais. Permets-moi d'émettre un seul souhait : s'il te plait, n'essaie pas de simplifier le volant.

Il a toujours raison même quand il a tort
S'obstine comme un con à la vie à la mort
Enfin c'est pas mêlant il est si fatiguant
Que parfois même on jurerait qu'il est Français.

Les cowboys fringants, Beau-frère

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18 septembre 2015 5 18 /09 /septembre /2015 05:05
Un jour je vivrai là-bas

A lire en écoutant : Red wine gasoline, Carmanah

On va jouer à un jeu. A mon top, tu vas fermer les yeux pendant trois secondes et imaginer un gros nuage blanc. Genre bien gras. Tu peux même ajouter un peu de gris si ça te chante. Voilà, parfait. Top !

Félicitations, tu peux t'applaudir et même sortir une bouteille de champagne (non, du mousseux plutôt, garde le champagne pour la prochaine fois qu'on se verra). Sans le moindre effort, tu viens de voir autant de choses que nous lors de nos premières heures dans le Mount Rainier National Park, dans l'Etat du Washington. La vie est injuste. Un clignement de paupières pour toi, quand il nous a fallu 20000 bornes et des tonnes de parkings glauques pour arriver au pied de ce volcan pas loin d'être aussi massif que le Mont-Blanc.

Parlons-en d'ailleurs du Mont-Blanc. Il est à des centaines de kilomètres de la maison familiale, mais quand j'étais môme je pouvais le voir de la fenêtre de ma chambre. Je me tape 20000 bornes et ce putain de volcan américain ne daigne même pas sortir sa tête des nuages ?

Bon, pas la peine de trop s'en étonner. Le Mont Rainier domine la région du Nord-Ouest des Etats-Unis, connue pour être aussi humide que les joues d'une adolescente devant un épisode de Dawson. Dur, après plus d'un mois dans le Sud, où il ne nous venait même pas à l'idée de jeter un oeil sur la météo du lendemain.

Un jour je vivrai là-bas

La première chose qui nous est tombée dessus en quittant la Californie, c'est la pluie. Elle nous taquine depuis régulièrement. En ce moment-même, je pourrais profiter des joies de la ville de Seattle au lieu d'essayer de vous distraire en tapant cet article enfermé dans la chambre d'une auberge de jeunesse. Difficile de râler, c'est cette humidité qui donne une bonne partie du charme de cette région. Les forêts de la péninsule des Olympics ainsi que celles de la côte de l'Oregon sont somptueuses, tout comme les paysages du Mont Rainier, déjà à l'heure d'automne question couleurs. Au milieu de toute cette verdure, Portland, sorte de petit San Francisco avec ses bières pas chères, ses cuites mémorables, ses pistes cyclables et autres panneaux de basket à chaque coin de rue.

Comme nous sommes des vagabonds d'envergure internationale, nous avons profité de la proximité de la frontière pour faire une petite infidélité aux USA, histoire de nous ressourcer dans mon pays adoptif, en Colombie-Britannique. L'ïle de Vancouver et ses petites soeurs ainsi que la ville de Vancouver n'ont rien à envier aux Etats-Unis. En termes de paysages, mais aussi de talent. Je vous laisse découvrir Carmanah, un groupe de Victoria découvert au hasard sur l'île de Salt Spring Island, avec nos hôtes pour la semaine, Pami et Claire, des habituées de ce blog !

Un jour je vivrai là-bas

Je crois que j'ai digressé, pardon. Au final, j'ai tellement pesté cette fameuse journée que le Mont Rainier a fini par montrer sa trombine quelques minutes. Un super moment comme on doit en vivre beaucoup dans ce secteur où océan, lacs, montagnes, forêts et villes sympathiques foisonnent. Je continuerai bien de vous vanter les mérites de cette région où j'adorerai vivre un jour, mais je dois aller noyer ma déception due à la défaite de l'équipe de France de basket dans la nuit humide de Seattle. Je vais aussi aller m'assurer que mon binôme est prêt pour la soirée. S'il a commencé à lire ce billet et qu'il a vraiment joué le jeu, ce bon Laurent aux tendances narcoleptiques doit déjà avoir un peu de bave sur la chemise.

Un jour je vivrai là-bas

Quand je me sens des plis amers autour de la bouche, quand mon âme est un bruineux et dégoulinant novembre, quand je me surprend arrêté devant une boutique de pompes funèbres ou suivant chaque enterrement que je rencontre, et surtout lorsque mon cafard prend tellement le dessus que je dois me tenir à quatre pour ne pas, délibérément, descendre dans la rue pour y envoyer dinguer les chapeaux des gens, je comprends alors qu'il est grand temps de prendre le large.

Herman Melville, Moby Dick

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9 septembre 2015 3 09 /09 /septembre /2015 08:37
La brume compte pas pour des prunes

A lire en écoutant : San Francisco, Foxygen

Elles sont toutes les deux complètement folles, avec un petit côté inaccessible. L'une s'élève au milieu d'un désert torride, l'autre tente de sortir la tête du brouillard de janvier à décembre. On s'arrête là pour les points communs. Ah non, il en reste un : elles ont toutes les deux un nom hispanique.

Je n'ai pas vraiment aimé Las Vegas, où nous avons passé quelques jours fin juillet (oui oui, j'ai autant de retard dans la rédaction de ce blog que dans le cumul de mes trimestres pour la retraite). Tout est trop n'importe quoi. La température (heureusement, ils ont pensé à climatiser une rue), la nourriture (on peut déguster des burgers dans un restaurant appelé "Heart attack Grill), la lumière (Times Square à côté, c'est la rue principale de Thionville en mars à 22 heures) et le jeu évidemment. C'était trop de tentations pour un jeune homme comme Kevin qui sort tout juste de l'adolescence. Nous avons donc décidé de le renvoyer à Mont-de-Marsan, où le seul Casino qu'il peut trouver se contente de lui vendre des magrets.

La brume compte pas pour des prunes

En août, une folie d'une toute autre saveur s'est glissée entre les sièges de notre van. Celle de San Francisco. Mon premier contact avec cette ville n'avait pourtant rien de très excitant. On peut même le qualifier de totalement ringard, puisqu'il s'agit du générique affligeant de la série "La fête à la maison". Dans cette sitcom, tout est complètement lice. San Francisco, c'est tout l'inverse.

Tout est tordu à San Francisco. Les rues, évidemment. Une balade de 20 minutes peut facilement se transformer en étape du Tour de France avec quatre cols au programme. Les gens, aussi. Je n'ai jamais vu autant de personnes semblant totalement perchées, dans la misère de Tenderloin, en pleine ville. Les lois, parfois, vont aussi un peu de travers. A San Francisco, c'est visiblement plus facile de se passer d'un visa pour travailler. Et fumer de la marijuana n'importe où et n'importe quand ne pose pas le moindre problème. Drôle, puisque le premier nom de la cité était Yerba Buena, qui signifie "bonne herbe". A se demander si le fameux brouillard de la ville ne viendrait pas de là !

La brume compte pas pour des prunes

C'est un cliché. Mais c'est ce que j'ai ressenti pendant mes quelques jours là-bas : il émane tellement de liberté et d'inventivité de cet endroit qu'on a l'impression que tout est possible, à chaque instant. Évidemment, tout n'est pas rose dans la ville de Jack London. La preuve, le Golden Gate est rouge. Mais les mélanges en tous genres qui la composent la rendent indéniablement spéciale. A SF, dans la même minute, on peut croiser un petit génie prêt à révolutionner le monde dans la Silicon Valley, un SDF les yeux dans le vague, un couple gay, une troupe de hippies, une ribambelle de nationalités et des looks hallucinants. Un type torse-nu en pantalon à pinces avec un chapeau en forme de pièce montée et un wombat vert tatoué sur la poitrine ferait tourner autant de têtes qu'un mec en maillot de bain dans une piscine municipale.

La brume compte pas pour des prunes

Toute cette drogue autour de nous, c'était finalement un peu trop pour un petit garçon comme Marc. Après trois mois et de nombreux coups de balayette pour garder notre maisonnée pimpante (et une galipette en Pennsylvanie en bonus), il a pris la direction de Paris. Laurent et moi, dans notre fidèle camtar, celle du Nord-Ouest du pays, après une traversée du Golden Gate et un dernier coup d'oeil sur cette baie fantastique.

Il est fait moitié en acier et moitié en rêve.

Jacques Poulin, Volkswagen blues

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