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10 novembre 2015 2 10 /11 /novembre /2015 16:54

A lire en écoutant : Wonderful world, beautiful people, Jimmy Cliff

On est tellement des stars aux US qu'ils ont fait une bière à l'effigie de notre camion (cela n'a rien à voir avec la suite mais fallait que je place cette photo !).

On est tellement des stars aux US qu'ils ont fait une bière à l'effigie de notre camion (cela n'a rien à voir avec la suite mais fallait que je place cette photo !).

C'était dans une foire du Sud de la France. Une fête foraine qui sentait le churros et la bière renversée. Impossible de me souvenir de la date et de la ville. Je peux juste me rappeler cet étrange stand proposant d'aller taper la discute avec la femme sans tête pour quelque chose comme cinq francs. Bon, elle était pas bavarde, mais elle était là, avec ces tiges en fer jaillissant de son cou comme explose une fontaine. J'étais minot et je l'ai observée avec les yeux en boules de billard.

C'est ce que j'ai retrouvé dans le regard de ce jeune Américain. Une petite dizaine d'années, taches de rousseur et appareil dentaire en première ligne : "Vous venez VRAIMENT de France ?" C'était le soir d'Halloween, à Cullman, Alabama (ça commence comme un mauvais film d'horreur mais rassurez-vous, il n'y aura aucune effusion de sang). On venait de prendre une chambre dans un motel de bord d'autoroute, et un besoin de monnaie pour lancer une machine (afin de laver mes trois caleçons, mes deux paires de chaussettes et mon unique pull) nous a précipités au sein d'une station service Marathon, où le gallon d'essence partait à 1,91 dollar.

Une petite princesse nous a tendu une poignée de bonbons, acceptée avec un mot gentil ou deux. Quelques secondes plus tard, les sept ou huit personnes qui tuaient le temps derrière le comptoir ce soir-là nous fusillaient de questions. Ils avaient compris qu'on était des Français : "Vous pouvez parler français entre vous ?", "C'est quoi les différences avec les USA ?", "Vous avez des McDonald's en France ?", "On peut prendre une photo avec vous ?", "Tout le monde est aussi beau dans ta famille ?" (bon OK, la dernière est bidon, j'avoue)... On a fini par quitter les lieux avant qu'ils nous demandent une mèche de cheveux ou une crotte de nez en souvenir de cette soirée inoubliable.

Depuis le temps que j'attendais de balancer cette photo de mon voyage en Afrique (oui, je suis un escroc, mais j'ai pas de photo de l'Alabama).

Depuis le temps que j'attendais de balancer cette photo de mon voyage en Afrique (oui, je suis un escroc, mais j'ai pas de photo de l'Alabama).

Lors d'un voyage au Burkina Faso quand j'étais ado, j'avais déjà eu cette sensation de débarquer d'une autre planète. Mais c'était au milieu d'un des pays les plus pauvres du monde, en pleine brousse, et les gamins, qui nous couraient après en hurlant "Nassara, nassara !" n'avaient jamais vu un Blanc de leur vie. C'était beaucoup plus étrange de voir ces Américains, de 5 à 65 ans, nous dévisager comme des animaux de foire. Je pense qu'ils en parlent encore. Surtout qu'ils n'ont même pas eu à payer 5 francs.

Laurent, comme à la maison, chez notre famille de substitution à Kansas City.

Laurent, comme à la maison, chez notre famille de substitution à Kansas City.

Toutes ces rencontres, parfois improbables, parfois lumineuses, souvent trop brèves, valent bien un sac perdu et un passeport dans la nature. Quelques heures après une nuit de stress due à ce drame tout relatif, j'avais déjà retrouvé la pêche grâce à notre famille adoptive de Kansas City. Ce couple rencontré il y a des semaines dans le Washington nous a accueillis comme des rois avant de m'offrir quelques nouvelles affaires au moment du départ. La ville de Kansas City est aussi excitante qu'une émission de Michel Drucker, pourtant nous ne sommes pas prêt d'oublier notre passage. Puis il y a eu Adrien (from Bordeaux) et Sarah (from Montréal), qui ont fait de notre deuxième séjour à Chicago un succès, en plus de nous permettre de bosser notre français à quelques jours du retour. Bref, tout ça pour dire qu'on aime les gens. Particulièrement les Américains. Je voudrais juste ajouter, si jamais un type de l'Alabama se perd un jour sur ce blog : oui, on a des McDonald's en France.

Les bateaux de luxe, les villas trop grandes, tout s'accroît, la richesse augmente, mais au milieu de cette opulence les hommes diminuent, on ne les distingue presque plus, ils se noient dans leur possession. On a l'impression que toute cette nouvelle richesse est investie dans une tentative de nous éloigner de ce qui nous entoure. On s'élève au-dessus des autres, on s'isole de la nature, on se barricade contre l'inconnu et le dissemblable, on triomphe du voyage, on s'achète une absence de désagréments et de problèmes ; tout ce qui pourrait nous faire vivre quelque chose d'imprévu.

Marcher (ou l'art de mener une vie déréglée et poétique), Tomas Espedal

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commentaires

L
Voilà qui me surprend fortement, alors que je rattrape mon retard dans la lecture de tes articles, que tu ai également une histoire avec la femme sans tête. Bien avant le Père Noël, c'est la femme sans tête qui a suscité la première "grande déception" de ma jeune vie. J'avais dix ans, c'était dans une fête foraine proche de la Grande Motte et mon innocence s'envolait : je ne pouvais me résoudre à gober une histoire de femme sans tête... alors qu'elle avait les bras tout aussi poilu (si ce n'est plus) que mon père! Triste souvenir. Merci mon Seb!
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