A lire en écoutant : S.O.B., Nathaniel Rateliff and the night sweats
C'est comme au cinéma. Tu t'assoies et tu vois le monde s'agiter sous tes yeux. Les personnages défilent, les dialogues se nouent, les histoires s'entrecroisent... La différence, c'est qu'en lieu et place du popcorn se trouve un rouleau de papier hygiénique. Et tu as le froc sur les chevilles. Aux États-Unis, pour une obscure raison, il y a autant de jour dans l'encadrement des portes de toilettes que dans le sourire de Béatrice Dalle.
La première fois, tu râles. La deuxième, tu marmonnes. La troisième, tu soupires. Je te passe la suite. Après quatre mois dans le pays, c'est la routine. On a tellement bien enclenché le mode vagabond que les commodités des Walmart sont comme notre propre salle de bain. Mon dernier partenaire dans cette aventure me confiait récemment être désormais capable de jouer à des quiz sur son téléphone pendant qu'il prépare un numéro 2. A la maison, je vous dis.
A un détail près. Un détail pouvant virer à l'obsession lorsque vous lui courrez après depuis plusieurs jours (par respect pour notre dignité, je ne serai pas plus précis sur le nombre). Une putain de douche ! Quand on n'est pas occupé à essayer de sauver nos fesses au milieu de féroces grizzlies, l'idée de la prochaine douche n'est jamais bien loin dans notre esprit. Souvent, c'est dans une auberge ou un camping qu'on peut enfin décoller nos cheveux de notre crâne. Depuis peu, on a appris à saisir d'autres opportunités.
Rappelez-vous, il y a quelques semaines, je vous parlais de cette Américaine un peu toquée qui avait tenté de nous mettre les flics au cul. Je vous disais aussi que la plupart de ses compatriotes étaient formidablement accueillants. Je le répète. C'est dingue comme tout le monde prend à cœur le fait de nous aider un peu dans notre voyage. Notre (deuxième) passage à Boulder, ville du Colorado adossée aux Rocheuses, à un coup de bagnole de Denver, en est la plus chouette des illustrations. On ne devait y rester qu'une soirée, on en a fait trois. A Boulder, on arpente une rue piétonne comme il est impossible d'en voir ailleurs aux USA, on sirote un "latte" dans une librairie-café géniale, on est progressiste et un peu écolo, on s'arrache le micro dans les soirées karaoké du mercredi soir (oui, aux États-Unis, le karaoké n'est pas ringard, et juste pour ça, merci l'Amérique !).
Bref, à Boulder, on se sent bien. Un soir, tu dégustes une pizza, le lendemain tu débarques chez le couple qui était installé à côté de toi dans le resto pour squatter la salle de bain, sur leur invitation. On n'a jamais été aussi propre que dans le Colorado tellement les gens se battaient pour nous recevoir. On en a particulièrement profité à Boulder mais la recette est la même partout. Dans le parc de Mont-Rainier, il y a quelques semaines, un couple d'une cinquantaine d'années nous a lâché ses coordonnées après trois minutes de conversation, au cas où on passerait à Kansas City. Bien sûr qu'on va venir !
Allez, je vous laisse, ce soir c'est fête, on s'est payé un motel dans le Texas. J'irai bien profiter de la douche, mais d'abord j'ai bataille avec les cafards mutants version sauterelle qui partagent la chambre avec nous. J'en ai tué trois le temps d'écrire cet article, et il y en a huit déjà morts sous le lit. Tout bien réfléchi, pas sûr que j'ose sauter dans cette douche.
Ne perds pas ton temps à juger les gens
Ne perds pas ton jus à condamner l'inconnu
Tourne avec la roue et sors dans la rue
Regarde autour tous ces atomes crochus
Chaque petit cerveau a son propre château
Chaque petit wazo a son propre chapeau
Mets celui qui te fait et tous les autres si ca te plaît
Y a tellement de trésors dans nos regards imparfaits.